Agronomie

15 000 L d’eau pour un kilo de bœuf, vraiment ?

Dans la catégorie « arguments environnementaux contre la consommation de produits d’origine animale », je m’intéresse aujourd’hui à la consommation d’eau. Sur ce point il y a une statistique qui revient fréquemment : il faudrait 15.000 litres d’eau pour produire un seul kilo de bœuf. Rien que ça.

Que penser de ce chiffre ? Est-il juste ? Qu’est-ce qu’il veut dire ? C’est ce qu’on va essayer de démêler. Et tant qu’à faire, on va s’intéresser au sujet de manière un peu plus générale. Au programme :

  • Explication de l’origine de ce chiffre : qu’est-ce qu’une « empreinte eau » ?
  • Empreintes eau des produits d’origine animale : influence du mode d’élevage, valeurs en France par rapport à la moyenne mondiale.
  • Comparaison des empreintes eau des produits d’origine animale et des végétaux.
  • Influence du régime alimentaire sur l’empreinte eau.

Le concept d’empreinte eau virtuelle

Qu’est-ce que c’est ?

Le chiffre de 15 000 L provient d’une méthode de calcul nommée « Water Footprint Assessment » proposée par le professeur Arjen Hoekstra en 2002 et décrite dans un manuel du Water Footprint Network en 2011 [1]. Le principe est de quantifier l’eau utilisée de manière à la fois directe et indirecte : l’empreinte eau en résultant correspond à la quantité d’eau consommée en prenant en compte l’intégralité de la chaine d’approvisionnement.

Cette empreinte contient 3 composantes distinctes :

  • L’eau bleue correspond à l’eau consommée dans des réserves de surface (rivières, lacs…) ou de sous-sol (nappes phréatiques, rivières souterraines…).
  • L’eau verte correspond à la consommation d’eau de pluie infiltrée dans le sol (humidité du sol ; l’eau de ruissellement est exclue).
  • L’eau grise correspond à la quantité d’eau nécessaire à la dilution des polluants. A noter ici que cette eau n’est pas nécessairement utilisée : il s’agit de l’eau nécessaire pour éviter une pollution. Or, celle-ci n’est pas toujours évitée…

Il est important de comprendre ce que l’on entend par une consommation d’eau :

  • Pour l’eau bleue il s’agit des pertes induites dans le lieu de prélèvement. Par exemple, de l’eau prélevée en amont d’une usine puis rejetée en aval n’est pas considérée consommée : seule la partie perdue (par exemple évaporée) l’est. A l’inverse, de l’eau prélevée dans une nappe phréatique puis rejetée en surface est considérée consommée.
  • Pour l’eau verte il s’agit de l’eau incorporée dans le produit ainsi que de l’eau utilisée par évapotranspiration.

L’empreinte eau correspond au résultat de la première étape du « Water Footprint Assessment » qui en contient trois :

  1. Quantification et localisation de l’empreinte eau d’un procédé, produit, producteur ou consommateur pour quantifier dans le temps et l’espace l’empreinte eau dans une zone géographique délimitée.
  2. Evaluer la durabilité environnementale, économique et sociale de cette empreinte.
  3. Formuler une stratégie de réponse.

Il est donc important de noter que l’empreinte eau n’est pas un indicateur d’impact, qu’il soit environnemental, social ou économique : cet impact est évalué à la phase 2. L’empreinte eau est uniquement une mesure de l’utilisation de de la dégradation d’une ressource. Son impact dépendra des conditions locales. En clair : un produit ayant une empreinte eau élevée n’est pas nécessairement plus dommageable qu’un produit en ayant une faible. Tout dépend de la vulnérabilité de l’environnement dans lequel ils sont produits.

Comment ça se calcule ?

Ceci étant clarifié, comment est calculée cette fameuse empreinte eau ? Pour voir ça, intéressons nous à une étude de Mekonnen et Hoekstra [2] souvent citée pour ces fameux 15 000 L.

Tout d’abord, la consommation d’eau pour les produts d’origine animale se divise en deux catégories : la consommation directe via l’eau de service et d’abreuvage et la consommation indirecte via l’alimentation. La première peut éventuellement être mesurée directement mais la seconde doit être estimée.

La première étape de l’estimation est de déterminer pour une certaine quantité de produit final, quels types et quantités d’aliments ont été consommés. Pour cela on utilise l’efficience brute de conversion pour estimer la taille de la ration puis des données sur sa composition [a] pour arriver à la quantité de chaque type de culture consommée.

Reste alors à estimer l’empreinte eau de chacune de ces cultures. En l’occurrence, ces données proviennent d’une étude précédente des mêmes auteurs [3]. Pour les estimer, ils ont utilisé un modèle simulant la consommation d’eau des cultures en fonction notamment des conditions climatiques locales, des caractéristiques de chaque plante, de la disponibilité d’eau dans le sol… Je vous passe les détails.

Une fois ces empreintes eau obtenues, il suffit de les multiplier par la quantité d’aliment correspondant consommée puis d’additionner le tout pour obtenir l’empreinte eau indirecte du produit final.

Ici s’il y a une chose à retenir, c’est à mon avis celle-ci : l’empreinte eau n’est pas mesurée directement mais estimée à partir des données disponibles et d’une modélisation des besoins en eau des plantes.

Empreintes eau des produits animaux

Jettons donc un coup d’œil à ce que nous dit cette étude de Mekonnen et Hoekstra [2]. On y trouve bien le chiffre de 15 415 L d’eau pour un kilo de bœuf. Cependant, il serait tout de même intéressant de creuser un peu plus le sujet. Cette étude fournit énormément de données sur l’utilisation d’eau des produits animaux en général.

Précision importante tout de même : pour le calcul de l’eau grise, l’étude n’a pris en compte que la pollution par épandage de fertilisants azotés. C’est évidemment loin d’être la seule source de pollution en agriculture, donc les chiffres pour l’eau grise sont à prendre avec des pincettes.

La figure ci-dessous représente les empreintes eau moyennes à l’échelle mondiale pour différents produits et types d’élevage.

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Empreintes eau des produits d’origine animale par mode d’élevage, moyennes mondiale. Source : Mekonnen et Hoekstra, 2012 [2]

Première chose à remarquer : l’énorme majorité de l’empreinte correspond à de l’eau verte, c’est à dire à de l’eau de pluie. Dans tous les cas, la part d’eau de pluie est supérieure à 75 %, et elle monte jusqu’à 97,3 % pour l’élevage de moutons en pâturage. Pour ce qui est de nos fameux 15 415 L d’eau pour un kilo de bœuf, ils sont composés à plus de 93 % d’eau de pluie. Si vous vous imaginiez que toute cette eau sortait d’un robinet, c’est loin d’être le cas : ce type d’eau (bleue) correspond à 3,6 % du total soit 550 L. Les 415 L restant correspondent à de l’eau grise. 

Seconde chose, on voit que les résultats sont très variables en fonction du type d’élevage : l’empreinte eau en industriel est souvent plus de deux fois plus faible qu’en pâturage. Il faut donc garder à l’esprit que le chiffre de 15 000 L n’est qu’une moyenne qui masque de grandes variations d’un élevage à l’autre.

D’ailleurs, ces variations ne dépendent pas que du type d’élevage mais aussi de l’emplacement. C’est ce qu’on peut voir sur la figure ci-dessous, qui représente les moyennes françaises des mêmes empreintes eau [b]. On y voit qu’elles sont en général beaucoup plus faibles que les moyennes mondiales. L’écart est en moyenne d’environ 40 %. A noter que pour le bœuf les 15 415 L se transforment 8 048 L, soit presque deux fois moins.

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Empreintes eau des produits d’origine animale par mode d’élevage, moyennes françaises. Source : Mekonnen et Hoekstra, 2010 [4]

Comment expliquer de tels écarts ? Deux facteurs principaux entrent en jeu. Le premier est l’efficience brute de conversion, expliquée dans cet article. Plus celle-ci est élevée, moins il faut de nourriture pour obtenir une même quantité de produit final. Mécaniquement, cela fait donc baisser l’empreinte eau. C’est particulièrement vrai pour l’eau verte, puisque celle-ci correspond à plus de 85 % de l’empreinte eau totale des cultures à l’échelle mondiale [3]. C’est notamment ce qui favorise les systèmes industriels, dont l’efficience brute est optimisée.

Le second est l’empreinte eau des cultures, qui peut beaucoup varier d’un pays à l’autre en fonction notamment du climat et des pratiques agricoles. Mécaniquement, cela fait donc varier l’empreinte eau finale. Ici, on peut supposer que la France bénéficie des deux facteurs : ses élevages et ses pratiques agricoles sont optimisées, et son climat est favorable.

A noter tout de même que l’empreinte d’eau bleue suit en général une tendance inverse à l’eau verte : elle augmente avec l’industrialisation. Cela s’explique par les différences de composition de la ration : l’efficience brute plus élevée en industriel est souvent corrélée à une augmentation de la part de concentrés (céréales, etc.) dans la ration. La culture de ces produits fait en général plus appel à l’irrigation que les fourrages, d’où une consommation d’eau bleue plus importante.

Ici, on peut noter quelques chiffres clés pour l’élevage bovin :

  • A l’échelle mondiale, il faut bien en moyenne autour de 15 000 L d’eau pour produire un kilo de bœuf. Cependant, plus de 90 % de total correspond à de l’eau de pluie. Pour l’eau bleue seule, on tombe à 550 L [b].
  • A l’échelle française, il faut en moyenne un peu plus de 8 000 L d’eau, dont 315 L d’eau bleue. 

Et il faut bien garder à l’esprit que ces chiffres peuvent masquer des variations importantes d’un élevage à l’autre.

On peut donc d’ores et déjà répondre à la question titre : oui, le chiffre de 15 000 L est véridique. En revanche, l’utiliser sans contexte est trompeur : il n’est pas représentatif des élevages français, il masque d’importantes variations et il correspond à plus de 90 % à de l’eau de pluie. En plus de cela, il faut garder à l’esprit qu’il ne correspond qu’à l’élevage bovin : les autres types d’élevage ont en général une empreinte totale plus faible.

Comparaison avec les végétaux

Tout ceci est fort intéressant, mais il serait tout de même bien de comparer ces résultats aux végétaux. Après tout, dire qu’il faut 8 000 L d’eau pour produire un kilo de bœuf n’aurait pas grand intérêt s’il en fallait 20 000 pour produire une quantité équivalente de blé. Mekonnen et Hoekstra nous ont proposé une telle comparaison en 2012 [2], mais celle-ci se limite aux moyennes mondiales, et il n’y a aucune indication quant à la variabilité des empreintes eau des végétaux. J’ai donc décidé d’aller récupérer les données brutes pour les produits animaux [4] et végétaux [5] afin de faire moi-même la comparaison. Je me suis volontairement limité aux valeurs françaises. Si le détail de la comparaison à l’échelle mondiale vous intéresse, je vous laisse vous référer directement à l’étude originale [2] [c].

Pour pouvoir comparer produits animaux et végétaux, il n’est pas suffisant de comparer les résultats pour une masse donnée de produit. Il faut ramener ces résultats à une valeur nutritionnelle équivalente, comme on l’a fait pour l’efficience de conversion ou l’utilisation des terres. On va donc comparer les résultats en terme d’énergie et de protéines. A noter que les teneurs sont précisées dans l’étude originale [2] pour les produits animaux mais que pour les végétaux, elles sont moyennées pour un type de cultures (céréales, légumineuses…). J’ai donc récupéré les valeurs pour chaque plante sur Wikipédia [d], en vérifiant qu’elles étaient cohérentes avec la valeur moyenne donnée dans l’étude.

Pour les cultures, j’ai pris les suivantes :

  • céréales : blé, maïs, avoine (flocons et brut) et riz
  • légumineuses : lentilles, haricots et soja
  • amandes

J’ai choisi celles-ci par ce que les céréales et légumineuses sont les plus souvent utilisées pour remplacer les protéines animales et que ces plantes me semblent être des représentants courants de ces deux catégories (j’aurais bien ajouté les pois chiches, mas il n’y avait pas de données pour la France… *HOUMOUS*). Pour les amandes, je les ai ajoutées car elles sont souvent utilisées pour remplacer les produits laitiers et car elles sont connues pour nécessiter beaucoup d’eau.

Je vais dans les deux cas comparer l’empreinte totale et l’empreinte eau bleue. Je n’ai pas comparé l’eau grise car étant donné qu’un seul polluant a été pris en compte, je ne suis pas convaincu qu’on puisse en tirer grand chose d’intéressant.

Si vous le souhaitez, j’ai mis le tableur utilisé pour effectuer les calculs à disposition [6].

Comparaison en termes de protéines

La figure ci-dessous présente les résultats pour l’empreinte totale.  On y voit que les produits animaux ne brillent pas par leur sobriété. La viande en particulier semble avoir une empreinte très importante. Seul le poulet arrive péniblement à se hisser au niveau du riz. Le lait tombe à peu près au même niveau que riz alors que les œufs sont encore un peu plus bas.

utilisation_eau_animaux_vs_vegetaux_proteines_france
Comparaison des empreintes eau totales de produits animaux et végétaux à apport protéique équivalent, moyennes françaises. Sources : dérivé de Mekonnen et al., 2010 [4-5] – voir tableur [6]

A l’exception du riz, toutes les céréales et légumineuses ont une empreinte inférieure aux produits animaux. Les lentilles ont ainsi une empreinte 25 % plus faible que les œufs et 83 % plus faible que le bœuf. A noter tout de même que les amandes confirment qu’elles nécessitent beaucoup d’eau : elles dépassent légèrement le lait. Et la France fait ici figure d’exception, l’empreinte des amandes à l’échelle mondiale est 4 fois plus élevée : elles ne sont battues que par le bœuf.

Si l’on s’intéresse uniquement à l’eau bleue (cf. figure ci-dessous), le topo change un peu. Déjà, le riz se retrouve hors catégorie avec une empreinte quasiment 3 fois supérieure au second du classement. Rien d’étonnant pour qui a déjà vu une rizière.

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Comparaison des empreintes eau bleues de produits animaux et végétaux à apport protéique équivalent, moyennes françaises. Sources : dérivé de Mekonnen et al., 2010 [4-5] – voir tableur [6]

Plus intéressant, on voit que les viandes sont toujours dans le haut du panier mais que l’ordre est modifié : le porc a la plus grosse empreinte alors que le bœuf se retrouve 5e. Cela est probablement dû au type d’alimentation de ces animaux : celle des cochons est principalement basée sur le maïs, qui requiert relativement beaucoup d’irrigation. A l’inverse, celle des bovins est basée principalement sur des fourrages, qui en requièrent peu.

A noter aussi que le poulet bat ici le soja et le maïs, et que les œufs battent en plus les lentilles. Les écarts sont globalement moins clairs si l’on ne s’intéresse qu’à l’eau bleue : le soja, végétal le plus consommateur à l’exception du riz, a une empreinte deux fois plus élevée que les œufs et 3 fois plus faible que le porc. On peut aussi noter le gros score du blé, qui a une empreinte quasi nulle. Et pour cause, son empreinte eau bleu est estimée à 1 L/kg de blé. Ca me parait particulièrement faible, mais les données sont ce qu’elles sont…

Enfin, les amandes confirment leur fort appétit en eau en dépassant le bœuf. Et c’est encore pire à l’échelle mondiale ou elles battent tous les records : 18 000 L d’eau pour un kilo de protéines! A noter tout de même que l’empreinte du riz, elle, chute à 4 800 L.

Comparaison en termes d’énergie

Regardons maintenant ce que cela donne à apport énergétique équivalent. La première figure ci-dessous correspond aux empreintes totales. Ici, le constat est clair : tous les produits animaux demandent plus d’eau que les végétaux, riz et amandes compris. Le maïs, plus gros consommateur végétal, a une empreinte 20 % plus faible que le lait et 85 % plus faible que le bœuf.

Comparaison des empreintes eau totales de produits animaux et végétaux à apport énergétique équivalent, moyennes françaises. Sources : dérivé de Mekonnen et al., 2010 [4-5] – voir tableur [6]

A noter encore une fois que les amandes se distinguent encore une fois par l’écart entre leurs empreintes en France et dans le Monde : celle-ci est multipliée par 4 et se retrouve en 4e position.

Pour l’eau bleue, le résultat est encore une fois légèrement différent. Le riz se distingue une fois de plus par sa grande empreinte, bien que celle-ci soit moins impressionnante que pour la comparaison à apport protéique constant : cette fois-ci, il joue des coudes avec le bœuf et le mouton. A noter tout de même que son empreinte est réduite de 60 % à l’échelle mondiale : peut-être vaut il mieux cultiver le riz dans des pays plus humides…

Comparaison des empreintes eau bleues de produits animaux et végétaux à apport énergétique équivalent, moyennes françaises. Sources : dérivé de Mekonnen et al., 2010 [4-5] – voir tableur [6]

Pour le reste, on retrouve les mêmes tendances : les viandes ont une grosse empreinte, le poulet étant le seul à s’en sortir convenablement en battant le soja et le mais. Le lait et les œufs font un peu mieux mais se font quand même distancer par lentilles, avoine, haricots et blé.

Au final, les produits animaux font donc comme d’habitude meilleure figure quand on s’intéresse à leur apport protéique qu’à leur apport énergétique. Si l’on s’intéresse à l’empreinte totale, les viandes sont de mauvais élèves dans les deux cas. Le lait et les œufs s’en sortent eux un peu mieux mais restent d’assez gros consommateurs. En clair, sauf quelques exceptions, les végétaux consomment mois d’eau que les produits animaux.

Le constat est moins clair si l’on ne s’intéresse qu’à l’eau bleue : les viandes restent de grosses consommatrices, mis à part le poulet qui arrive à tirer son épingle du jeu. Cependant le lait et les œufs s’en sortent mieux : ils arrivent à faire mieux que certains végétaux. Enfin, conseil si vous êtes préoccupé par la consommation d’eau bleue : mollo sur le riz.

Empreintes eau et régime alimentaire

Maintenant que l’on a comparé les consommations d’eau de différents produits, il peut être intéressant de prendre un peu de recul et de s’intéresser à l’impact des régimes alimentaires. Pour cela, on va utiliser deux études : la première, par Vanham et al. [7], ne s’intéresse qu’à l’Union Européenne alors que la seconde, par Jalava et al. [8], s’intéresse au monde entier.

En Europe

Commençons par l’étude européenne. Celle-ci compare 4 régimes différents : le régime réel sur la période 1996-2005 (reference), un régime correspondant aux recommandations nutritionnelles allemandes (DGE), un régime végétarien (VEG) et une combinaison de ces deux derniers (COM). Pas de régime végétalien donc.

Dans le scénario de référence, l’empreinte eau de la consommation de l’UE est supérieure à l’empreinte de sa production. C’est à dire qu’à travers les produits qu’elle importe, l’UE est dépendante des ressources en eau extérieures à son territoire pour assurer sa consommation [e]. Les auteurs notent aussi que l’empreinte eau associée aux produits animaux est supérieure à celle des végétaux, alors que ces derniers fournissent plus de calories : ils représentent 46 % de l’empreinte pour seulement 29 % des calories. Pour la France, Ercin et al. [9] ont par ailleurs montré qu’ils représentent 43 % de l’empreinte totale (34 % pour la seule viande) et 31% de l’empreinte en eau bleue (23 % pour la viande).

Composition de l’empreinte eau d’un habitant européen pour différents régimes alimentaire ; (a) eau bleue + eau verte ; (b) : eau bleue. Source : Vanham et al., 2013 [7]

La figure ci-dessus présente les résultats de l’étude en litres par habitant et par jour (L/cap/day) [f]. On y voit clairement que le meilleur résultat est obtenu pour le régime végétarien et ce que l’on s’intéresse à l’empreinte bleue + verte ou à la seule empreinte bleue. Surtout, la plus grosse contribution à cette réduction provient de la baisse de consommation de viande, compensée par une augmentation de la consommation de légumineuses. Rien de surprenant étant donné ce qu’on a pu voir juste avant. A noter tout de même que les auteurs ont gardé la part des fruits à coques constante : ceux-ci ayant une forte empreinte, les résultats seraient surement différents si ils étaient utilisés pour remplacer la viande.

Il est aussi intéressant de noter que le régime végétarien est le seul testé permettant une empreinte de consommation inférieure à l’empreinte de production : dans ce cas, l’UE se met à indirectement exporter ses ressources en eau. Ce n’est cependant pas le cas pour la seule eau bleue : l’UE reste très légèrement importatrice, même pour le régime végétarien.  A noter enfin que la simple observation des recommandations nutritionnelles permet déjà une réduction non négligeable des empreintes.

Dans le monde

L’étude de Jalava et al. [8] nous apporte une vision un peu plus large en s’intéressant au monde entier. Six scénarios y sont considérés. Le premier correspond aux régimes actuels (OD) dans chacun des pays considérés et le second aux recommandations nutritionnelles de chaque pays (RD). Les quatres suivants correspondent à une réduction progressive de la part de produits animaux : 50 % (A50), 25 % (A25), 12,5 % (A12,5) et enfin 0 % (A0). A noter qu’exception a été faite pour le poisson, dont la consommation a été maintenue à un niveau égal à la consommation actuelle dans chaque pays.

Autre point intéressant, les différents régimes ont été optimisés pour minimiser les changements par rapport au régime actuel. L’idée est de maximiser l’acceptabilité culturelle de ces régimes.

Evolution de l’empreinte eau en fonction de la part de produits d’origine animale dans l’alimentation, moyenne mondiale – Source : Jalava et al., 2014 [8]

La figure ci-dessus présente les résultats moyennés à l’échelle mondiale. Sans surprise, on retrouve une tendance similaire à celle observée par Vanham et al. : l’empreinte eau diminue au fur et à mesure de la réduction de la part de produits animaux, et ce que l’on s’intéresse à l’eau bleue (gauche) ou à l’eau verte (droite).

Le détail des résultats nous apporte en revanche quelques nuances intéressantes. La carte ci-dessous indique l’évolution de ces deux empreintes par région. On peut y voir de grandes variations : alors que l’empreinte baisse de manière substantielle dans certaines régions comme l’Amérique du Nord et l’Océanie, elle a plutôt tendance à stagner voire à augmenter légèrement en Asie du Sud et Sud-Est.

Evolution de l’empreinte eau en fonction de la part de produits d’origine animale dans l’alimentation, moyennes régionales. Source : Jalava et al., 2014 [8]

Dans le détail, le passage du scénario RD au scénario A0 fait baisser l’empreinte verte dans 166 des 176 pays considérés, et dans 140 pour l’empreinte bleue. Il y a donc bien des pays où la baisse de la part de produits animaux a tendance à faire augmenter la consommation d’eau, à l’inverse de la tendance observée jusqu’ici.

Comment expliquer ce résultat ? Tout d’abord, il est à noter que ces augmentations sont souvent observés dans des pays où la consommation de produits animaux est déjà relativement faible : il est donc logique de voir à minima une baisse moins marquée que dans des pays où ils sont très consommées.

Ceci dit, cela n’explique pas qu’on observe une augmentation. Les auteurs identifient deux causes principales, en particulier pour l’eau bleue :

  • La forte teneur en protéines des produits animaux peut amener à les remplacer par une quantité relativement importante de végétaux.
  • La part de cultures irriguées est plus importante en culture céréalière (61 %) qu’en culture fourragère (7,4 %).

Pour mieux comprendre, on peut se référer à la comparaison faite précédemment : on a pu voir que dans certains cas, l’empreinte de produits animaux tels que le lait et les œufs était plus faible que celle de certains végétaux, en particulier pour l’eau bleue. C’est particulièrement vrai à apport protéique constant, ce qui est lié à la forte teneur en protéine des produits animaux. Il est donc tout à fait possible que remplacer ces produits amène localement à une augmentation de la consommation d’eau, et particulièrement d’eau bleue. Cela est particulièrement vrai si les produits animaux sont remplacés par des cultures demandant beaucoup d’irrigation, telles que le riz.

Enfin, on peut remarquer Mekonnen et Hoekstra ont montré [3] que l’empreinte totale des céréales augmente fortement quand les rendements sont faibles (cf.figure ci-dessous). Cela peut certainement aussi contribuer à l’augmentation observée dans certaines zones.

Evolution de l’empreinte eau des céréales en fonction du rendement à l’hectare – Source : Mekonnen et Hoekstra, 2011 [3]

Conclusion

En résumé, nous avons donc pu confirmer que les produits d’origine animale sont effectivement fortement consommateurs d’eau. En revanche, nous avons pu soulever quelques nuances qu’il me semble important de garder à l’esprit lorsque l’on aborde ce sujet.

Tout d’abord, je pense que bien que le chiffre de 15 000 L d’eau pour un kilo de bœuf soit véridique, nous devrions nous abstenir de l’utiliser ; a fortiori s’il n’est pas contextualisé. Il faut tout d’abord rappeler que ce chiffre masque d’importantes variations suivant les pratiques et les pays, et qu’il n’est donc pas représentatif de l’intégralité de la filière. Ensuite, il correspond à plus de 90 % à de l’eau de pluie, dont la prise en compte fait débat. Il me paraîtrait donc plus sage de retenir les chiffres correspondant à l’eau bleue : 550 L en moyenne mondiale et 315 L en France.

L’idéal serait sûrement d’avoir en tête quelques ordres de grandeur pour les comparaisons à apport protéique ou énergétique équivalent. Ici quelques valeurs pour l’eau bleue seule en France :

BoeufLaitPouletRizBléLentilles
L/kg.prot2 3001 10090011 1008600
L/(1.000kcal)2108065500,345

A noter que L214 a déjà fait cet exercice pour la comparaison à apport protéique constant [c]. Mes chiffres sont différents pour deux raisons : j’ai préféré utiliser les chiffres français car cela me parait plus pertinent pour faire de la sensibilisation en France ; j’ai préféré exclure l’eau grise en raison des limitations de l’étude de Mekonnen et Hoekstra sur ce point.

Il faut aussi bien se rappeler que les produits animaux ne consomment pas toujours plus d’eau que les végétaux. C’est une tendance générale mais comme on a pu le voir avec l’étude de Jalava et al., il est possible qu’une exclusion stricte des produits animaux mène à une augmentation de la consommation d’eau dans certains cas. C’est particulièrement vrai si le régime d’origine est déjà peu carné.

Enfin, et c’est là à mon avis le point le plus important : l’empreinte eau n’est pas un indicateur d’impact environnemental. C’est un indicateur d’appropriation des ressources en eau. Les conséquences de cette appropriation sont extrêmement complexes à estimer, et la corrélation entre ampleur de l’empreinte eau et ampleur des impacts est loin d’être claire. C’est particulièrement vrai en prenant en compte l’eau de pluie, dont les impacts directs ne sont pas évidents. C’est un sujet que j’aborde dans cet article : Consommation d’eau et environnement : comment ça marche ?

Références

[1] – Hoekstra et al., 2011 –  The Water Footprint Assessment Manual

[2] – Mekonnen et Hoekstra, 2012  –  A Global Assessment of the Water Footprint fo Farm Animal Products

[3] – Mekonnen et Hoekstra, 2011 – The green, blue and grey water footprint of crops and derived crop products

[4] – Mekonnen et Hoekstra, 2010 – The green, blue and grey water footprint of farm animals and animal products; Volume 2: appendices

[5] – Mekonnen et Hoekstra, 2010 – The green, blue and grey water footprint of crops and derived crop products; Volume 2: appendices

[6] – Tableur de calcul : lien

[7] – Vanham et al., 2013 – The water footprint of the EU for different diets

[8] – Jalava et al., 2014 – Diet change – a solution to reduce water use? 

[9] – Ercin et al., 2013 – Sustainability of water consumption from a water resources perspective : The case study for France

Notes

[a] – En l’occurrence, il n’y a pas de base de données disponibles concernant cette composition. Les auteurs ont donc fait des hypothèses pour l’estimer à partir de la littérature disponible.

[b] – Pour l’eau grise, on est autour de 450 L. Mais étant donné que ce calcul ne prend en compte qu’un seul type de polluant, je ne suis pas sûr qu’il soit bien utile de retenir ce chiffre.

[c] – L214 a refait les calculs sur la base de cette étude pour effectuer la comparaison en excluant l’eau verte. Résultats disponibles ici : https://www.viande.info/elevage-viande-ressources-eau-pollution

[d] – Il s’agit des teneurs avant préparation (et donc cuisson), puisque la préparation n’entre pas dans le périmètre de l’étude.

[e] – Les auteurs expliquent que cela peut en partie s’expliquer par la bonne productivité en eau en Europe : un même produit a tendance à avoir une empreinte plus faible en Europe qu’à l’étranger. Cela peut biaiser la balance du côté de la consommation.

[f] – J’ai supprimé la légende par soucis de lisibilité et car les pictogrammes me semblaient explicites. La portion juste entre les viandes et les produits laitiers correspond à des graisses animales. Ah et oui, la tomate représente les légumes. Oui je sais, c’est un fruit. J’y peux rien.

(17 commentaires)

  1. Bonjour et merci pour cet article.
    Je suis moi-même extrêmement critique sur les arguments avancés par les véganes et je cherche également à vérifier la véracité de tels chiffres.
    Cependant un camarade m’a proposé cette approche concernant la quantité d’eau pour la production de viande. La question précédente était de savoir si les éleveurs abreuvaient leurs animaux avec de l’eau de pluie. Qu’en pensez-vous ? (je vous livre son commentaire)

    « L’eau c’est une question dont il est difficile de donner une réponse simple et précise. (spoiler alerte: non ils ne récupèrent pas l’eau dans des barils c’est beaucoup plus compliqué que ca)
    En gros, dans un kilos de viande, il y a maximum 1kilo d’eau (et ta « viande » serait de l’eau du coup), sinon c’est de la pure magie ! Ce qu’on compte, c’est l’eau polluée, ou utilisée lors de l’élevage: on met de l’eau potable et de l’eau de pluie en entrée, et on récupère de l’urine et de la transpiration en sortie, il est là le gâchis.

    D’où vient ce chiffre qu’il faut 15 000 L d’eau pour faire un kilo de viande de vache ?

    Premièrement, il faut de l’eau pour que les plantes poussent, elles seules utilisent/stockent vraiment l’eau contrairement aux animaux qui pissent et transpirent 100% de l’eau qu’ils consomment. Quand un animal mange des plantes, il urine l’eau qu’elle contenait ! Exemple: admettons qu’un pommier soit totalement mature (sa croissance est finie) et il prélève 50mL d’eau de pluie par pomme, quand on mange la pomme, on va pisser 50mL d’urine plus tard. De la même manière il faut beaucoup d’eau pour faire les céréales et fourrages qu’on donne aux animaux mais ils urineront et déféqueront cette eau après qu’elle ait servi à filtrer les merdes de leur corps. Cette eau est celle effectivement utilisée, majoritairement pour faire pousser les céréales et représente 700 L sur les 15 000 L d’après l’INRA.
    Ensuite il y a la transpiration et l’évaporation: les plantes comme les animaux transpirent de l’eau qui retourne à l’état de vapeur et est réintégrée au cycle de l’eau. Cette eau est majoritaire, 95% des 15 000 L. C’est le stade ultime d’intégration du cycle de l’eau, où l’on est sûr de ne pas avoir oublié la moindre molécule d’eau.
    Puis il y a l’eau « utile », celle qu’on puise dans les nappes phréatiques, qui est ridiculement petite, à partir de 50 L par kilo de viande
    Tout ca est résumé sur ce site d’Interbev, totalement impartial et hors de tout conflit d’intérêt: https://www.la-viande.fr/environnement-ethique/preservation-qualite-eau/consommation-eau-production-viande-bovine

    Comme partout, ce qui compte, c’est d’être cohérent dans ses conventions et définitions. Si on utilise la méthode « water footprint » (majoritairement utilisée dans le monde aujourd’hui) on arrive à environ 15 000 L d’eau pour un kilo de vache contre 590 L d’eau pour un kilo de blé. Si on ne compte que l’eau utile, on arrive à 50 L par kilo de vache et 0.002 L par kilo de blé. On ne peut pas comparer, comme le fait la page « veganisme intox et danger » le chiffre de 50L d’eau utile (soit 0.003% du comptage « water footprint ») par kilo de viande au chiffre de 4000 L d’eau par kilo d’amande (qui inclut 100% du comptage water footprint) sinon il se passe quoi si on donne les amandes à manger à la vache, elle va créer de l’eau ex-nihilo ? Il faut comparer des trucs comparables quoi…

    Conclusion: Il n’y a pas 15 000L d’eau dans un kilo de viande (sinon on a cassé les lois physiques lol). Ces 15 000L renferment une fraction d’eau civile, une part plus importante d’eau au travers des plantes qui est rendue polluée (sous forme d’excréments et urine) et une part majoritaire d’eau évaporée et transpirée.

    On pourrait donc nous dire « c’est de la malhonnêteté de compter l’eau de pluie: on compte pas l’eau de pluie qui tombe sur les parking » ! (j’ai deja entendu ca lol) ce à quoi je répondrais que tous les animaux sont élevés sur des terres arables (ou bien on fait pousser leur nourriture sur des terres arables) donc bien sûr qu’il faut compter l’eau de pluie puisqu’avec cette même eau, on pourrait obtenir bien plus de calories en faisant pousser des végétaux, et que selon ce qu’on fait pousser on peut utiliser cette eau pour la rendre utile (jamais à 100%)
    (plus d’info ici https://waterfootprint.org/en/water-footprint/glossary/#GW) »

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    1. Bonjour!

      Beaucoup de choses dans tout ça… Tout d’abord : non, compter l’eau polluée n’est pas suffisant. Si vous prélevez l’eau d’une rivière au point de l’assécher en aval, il n’y a pas besoin de polluer cette eau pour que l’impact environnemental soit délétère. Il faut aussi prendre en compte la quantité d’eau dont l’environnement est privé par notre intervention.

      Ensuite votre camarade semble globalement vouloir décrire les 3 types d’eau abordés dans l’article, mais c’est un peu confus. Que l’on parle d’eau bleue ou verte pour la croissance des plantes, elle est consommée de la même façon, c’est à dire majoritairement par évapotranspiration et dans une moindre mesure par incorporation dans la plante. La seule différence entre les deux, c’est leur provenance.

      Pour l’eau utile qu’elle évoque, il ne s’agit pas de l’eau effectivement prélevée dans les nappes phréatiques. Il s’agit de l’eau bleue (qui peut donc aussi provenir de rivières, lacs, etc.) pondérée par un facteur (inférieur à 1) sensé représenter le ratio entre l’eau effectivement consommée et l’eau dont est privé l’environnement : en gros ce chiffre est donc sensé quantifier la quantité d’eau dont notre consommation prive l’environnement.

      Pour ce qui est de comparer des mesures cohérentes, c’est en effet le minimum syndical. Par contre si on essaie d’évaluer l’impact environnemental ce n’est pas suffisant : si l’on prend le cas de l’empreinte eau totale, l’impact environnemental sera différent suivant si elle est composée majoritairement d’eau verte ou d’eau bleue. Pour cela il vaut à mon avis mieux comparer les eaux bleues ou les eaux utiles. (Mais ne prenez pas ce que je vous dis là pour argent comptant, je suis encore en train de creuser le sujet…). En revanche si on veut uniquement comparer la quantité d’eau nécessaire à la production d’un produit, sans rentrer dans le détail de son impact environnemental, il me parait plus cohérent de comparer les empreintes totales.

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  2. Merci pour cet article.

    Dis-moi, es-tu tombé dans tes recherches sur des études évoquant les transferts de consommation de l’eau verte vers l’eau bleue en périodes sèches ? Parce que, oui, l’eau est généralement abondante et on peut s’en foutre que telle ou telle production en consomme globalement plus qu’une autre.

    Là où ce peut être un problème, c’est aux moments où elle vient à manquer : si on doit mettre en place des restrictions mais qu’on voit que (par exemple) les bovins, le riz français, les porcs ou les petits pois accaparent quasiment toute l’irrigation au détriment des céréales, c’est intéressant à connaitre.

    On en arrive donc rapidement aux impacts, et j’avoue que, si tu arrives à faire un article sur ceux-ci, je le lirais certainement avec grand intérêt. 🙂

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    1. Salut! Oui j’ai pu lire 2/3 trucs sur le sujet. Ca rejoint notamment un des arguments du WFN pour défendre la prise en compte de l’eau verte : une mauvaise exploitation de cette ressource peut entraîner des impacts indirects en augmentant le besoin d’irrigation par ailleurs. Ceci dit j’ai lu ça dans un papier d’opinion, j’ai encore rien trouvé de bien détaillé sur le sujet.

      Globalement à en croire ce que j’ai pu lire pour l’instant le problème des impacts environnementaux a l’air bien complexe et très local. Je me tords encore pas mal le cerveau dessus et je ne suis pas encore sur de pouvoir en sortir des tendances assez clair pour en faire un article. On verra bien ce que ça donne ^^

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  3. Superbe article comme d’habitude !

    En ce qui concerne les 15000 L, effectivement, je pense qu’il est important de préciser que 90% de l’eau est de l’eau de pluie. Cependant sans cette dernière, point de kilo de viande ! Et puis, il aurait pu pleuvoir sur des céréales directement valorisées en alimentation humaine. Je comprends alors les discussions sur la prise en compte de l’eau verte dans les calculs.

    Pour avoir une échelle de comparaison entre les aliments végétaux et animaux, en faisant une rapide moyenne de tes chiffres sur ta fiche info (en France du coup) on obtient un ratio de 1 pour les produits végétaux et 4 pour les produits animaux. Ça rejoint les chiffres de la FAO qui estiment qu’il faut 1m3 d’eau pour produire 1000kcal d’aliments d’origine végétale et 5m3 d’origine animale. Niveau protéine par contre je ne sais pas trop…

    Enfin, quand tu dis que « l’empreinte eau n’est pas un indicateur d’impact environnemental. C’est un indicateur d’appropriation des ressources en eau. » Je pense justement qu’il devient un indicateur d’impact environnemental si l’on considère le fait que les ressources en eau sont limitées. Le fait de s’en approprier influe forcément sur sa disponibilité en plus d’ajouter l’éventuelle dégradation de son état pouvant la rendre inconsommable.. C’est pour ça que physiquement je comprends qu’on ne puisse pas accepter le terme consommation (cycle de l’eau), mais à contrario, en vue de la disponibilité s’amenuisant le terme consommation semble bien s’y prêter…

    Par ailleurs, Mathieu RICARD site ces chiffres dans son plaidoyer pour les animaux p. 75:

    L’élevage monopoliserait la moitié de la consommation d’eau douce mondiale et déverserait 50% des eaux polluées en Europe

    Aux États­-Unis, 80 % de l’eau potable sert à l’élevage des animaux

    70% de l’eau douce mondiale est déjà dégradée ou polluée alors que seuls 2.5% de l’eau de la planète est de l’eau douce avec les 3/4 contenus dans les glaciers et les neiges éternelles
    Les exigences de la production animale sont en train d’épuiser de vastes nappes phréatiques
    dont dépendent d’innombrables régions sèches dans le monde. […] Or la pénurie d’eau potable est aujourd’hui une menace à l’échelle mondiale: 40% de la population du monde, répartie
    dans 24 pays, souffre de pénurie d’eau, tant au point de vue de la quantité que de la qualité.
    (j’ai prêté le bouquin mais je pourrai y retrouver les sources si besoin)

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    1. Quand je dis que la consommation d’eau n’est pas un indicateur d’impact environnemental, c’est justement parce que si on ne la rapporte pas à la quantité d’eau disponible, on ne peut rien en conclure. Le problème c’est que la quantité d’eau disponible, c’est une question extrêmement locale. Typiquement, la même consommation d’eau n’aura pas du tout le même impact dans le Sahel ou dans la région des Grands Lacs…

      En fait pour en faire un indicateur d’impact il manque une étape de caractérisation : c’est typiquement ce qui est fait dans le calcul des empreintes carbone. Une même masse de méthane et de CO2 émis n’auront pas le même impact. Se contenter de faire la somme des masses ne nous donnerait donc que peu d’information sur l’impact réel. Pour obtenir un indicateur pertinent, on normalise donc les quantités émises pour chaque gaz avec son potentiel de réchauffement global. Grâce à cette opération, 1kg de CO2eq aura toujours le même impact en terme de forçage radiatif.

      La méthode WFN pour la consommation d’eau n’inclue pas de telle caractérisation, elle ne permet donc pas d’estimer directement l’impact environnemental. La méthode ACV (analyse de cycle de vie), elle, fait cette caractérisation en se basant sur la rareté de la ressource en eau dans la zone de captage. Le problème c’est qu’il n’y a pas l’air d’y avoir a l’heure actuelle de consensus sur le facteur de caractérisation à utiliser : on en trouve plusieurs dans la littérature. En plus la question est extrêmement complexe : l’impact d’une consommation d’eau dépend à la fois de facteurs géographiques (Grands lacs vs. Sahel comme dit précédemment) et temporels (la même consommation au même endroit n’aura pas le même impact en saison humide ou en saison sèche). Tout cela rend l’exploitation de cette méthode à des fins de communication un peu compliquée… et je n’ai de toute façon pas trouvé d’étude de grande ampleur permettant de comparer produits animaux et végétaux.

      Et pour ce qui est de l’eau verte, je n’ai pas trouvé de vecteur d’impact environnemental direct (autre que ceux liés à l’utilisation des sols) dans la littérature : la seule proposition que j’ai trouvé (celle du WFN) est qu’une mauvaise exploitation des ressources en eau verte peut engendrer de manière indirecte une surexploitation des ressources en eau bleue, qui elles ont bien un impact direct. C’est un point intéressant mais c’est compliqué de l’intégrer dans le calcul d’un indicateur d’impact…

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      1. Bonjour, merci pour cet article très complet et objectif. Quel travail!
        Petite question cependant, je n’ai pas réussi à trouver l’information suivante : que représente exactement l’eau verte?
        Car s’il est facile de calculer l’eau bleue consommée, je ne vois pas comment le faire pour l’eau verte.
        C’est l’eau de pluie ok mais l’eau de pluie pour quelle surface de pâturage ou volume d’herbe? Voire quel volume d’herbe pour quelle surface de pâturage, donc fonction d’un rendement?
        Merci d’avance.

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      2. Bonjour,
        Pour ce qui est de l’étape de culture des plantes, l’empreinte en eau verte correspond à la quantité d’eau de pluie utilisée, divisée par le rendement à l’hectare. Pas surprenant donc de voir que les empreintes baissent avec le rendement, comme évoqué à la fin de l’article).
        La quantité d’eau de pluie utilisée est calculée comme la somme de l’eau evapotranspirée chaque jour, sur toute la période de culture. Cette evapotanspiration peut éventuellement être mesurée, mais elle est le plus souvent estimée à l’aide de modèles dépendant de données sur le climat, les sols, la plante, etc.

        P.S: en toute rigueur il faut aussi ajouter l’eau incorporée dans la plante, mais c’est en général négligeable.

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